La solution se trouve-t-elle dans un repli dit identitaire ?

Goddy Leye

Universite de Xiamen, Chinese European Centre, fin septembre 2002. Un groupe d’artistes de diverses nationalites vivant a Amsterdam, preparent une exposition avec des collegues chinois. une question fuse de l’assistance. Vehemente mais pas innattendue: elle porte sur la suprematie de la scene artistique de l’Ouest et exprime les craintes de l’intervenant chinois quand a la disparition dans la nouvelle arène(culturelle), de l’identite de son continent de pays.

Mais l’auteur de la question, critique d’art et commissaire d’expositions (c’est vrai qu’on dit de plus en plus “curateur”) s’empresse de preciser qu’il n’est pas du tout de l’avis de ceux qui pensent que l’art contemporain de Chine doit etre populaire. Ce qu’il recommande ou revendique, c’est la prise en compte des particularites culturelles du pays de la grande muraille dans la creation de ses compatriotes plasticiens contemporains.

Une jeune artiste chinoise prend enfin la parole apres quelques manifestations d’irritation et d’impatience, pour s’insurger contre le dogme de l’identite culturelle qui peserait comme un joug sur les freles epaules des plasticiens d’origine chinoise.

Le debat prend vite une tournure sino-chinoise. Sans doute. Mais c’est le meme debat qui revient a Dakar, a Sao Paulo, a New Delhi, et partout dans les pays dits de la peripherie.

Les artistes venus d’Amsterdam, bien qu’ayant 22 nationalites differentes pour un groupe du meme nombre a peu pres semblait avoir d’autres soucis. Blasé aussi sans doute par la redondance de ce type de debat depuis les critiques ascerbes contre “les magiciens de la terre” et plus recemment contre une certaine image degagée par la collection Piggozi…

L’heritage culturel national semble loin des preoccupations de ces artistes. Ceux-ci semblent plus soucieux de traduire au moyen de l’art, leur relation personnelle au monde, comme l’a si bien observe le Curateur chinois. Nationalismes, integrisme culturel, questions peripheriques? Question de la peripherie?

A Beijing comme a Dakar, Johannesburg, La Havane ou Salvador de Bahia, la creation contemporaine souffre beaucoup de l’absence d’interaction avec les autres domaines de l’activité intellectuelle

C’est vrai, et cela explique les reticences chinoises, les artistes de Beijing-Shangai-Xiamen… qui ont accede a la renommee internationale ces dernieres annees, l’ont ete grace aux curators et gallerists de l’ouest et il n’est pas exagere de voir souvent dans leur choix une reproduction des schemes clicheiques dominants: un bon artiste chinois serait alors forcement quelqu’un qui verse dans la demesure et qui a de preference une interpretation erronee des sensationalistes british. De meme, il y a quelque annees, un bon artiste africain etait forcement celui qui n’avait pas de systeme de pensee en rapport avec sa production. Le modele du bon sauvage restant d’actualite.

C’est vrai aussi qu’un artiste francais , suedois ou etats-unien ne se preoccupe pas de savoir si son travail est national ou pas. Il semble d’office exhonere du poids de cette charge hereditaire ou patrimoniale.

En theorie. Car la pratique est bien differente. Si la critique et l’enseignement en occident n’imposent pas ouvertement le modele de l’heritage culturel, on en trouve toutefois la presence dans la production et la reception contemporaines. Il est difficile, par exemple, lorsqu’on est des pays-bas, d’echapper au fameux “paysage hollandais”. Tout comme la production belge est tres clairement dominee par l’architecture ou plus exactement la sculpture inspiree par le bati.

Le probleme qui se pose ici et ailleurs est donc en realite moins celui du poids de l’heritage culturel, reel ou fictif, que celui de la perte du pouvoir de decider, par soi, de la direction a prendre. Il s’agit en fait d’un probleme de democratie. Pas au sens populaire du terme, mais au sens de la possibilite de pouvoir generer de l’interieur les mues et mutations de sa culture. Car ce qui semble de plus en plus se passer, c’est que des cultures endogenes subissent les dictats d’un systeme de l’art exterieur.

La solution se trouve-t-elle dans un repli dit identitaire? L’art contemporain chinois serait-il necessairement de la “peinture chinoise”? Quel est le rapport quotidien du chinois face a cette forme d’expression dans un pays domine par les videoCDs et les gadgets electroniques? A Beijing comme a Dakar, Johanesburg, La Havanne ou Salvador de Bahia, la creation contemporaine souffre beaucoup de l’absence d’interaction avec les autres domaines de l’activite intellectuelle. Un divorce tres marqué existe en general, entre les plasticiens contemporains et l’elite intellectuelle. Combien de philosophes, mathematiciens, physiciens, juristes, ecrivains…s’interessent aux peintures, installations, performances, videos.. produites a deux pas de chez eux? L’inverse est malheureusement vrai aussi parfois: combien de peintres se documentent pour etre au fait des trouvailles de l’intelligentia locale?

L’authenticite de la creation artistique des pays de la peripherie doit naitre d’une interaction plus poussee entre les intellectuels et les artistes,qui permettrait au senti et a l’analyse de communier pour une expression contemporaine forte. Une creation qui cessera des lors de voir partout les fantomes de la domination culturelle.

Goddy Leye is a multi-media artist. He lives in Douala and Amsterdam.

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